C'EST QUOI DEMAIN LA SÉCURITÉ ?
Et si la sécurité était devenue le principe régulateur de nos sociétés ?
Et si la sécurité était tout le contraire de la sérénité ?
Et si cette obsession sécuritaire n'était qu'une peur du futur ?
Et si le "principe de sécurité" avait remplacé "le principe d'espérance" ?
Bref, et si l'urbanisme et la mobilité ne devenaient plus que des questions de sécurité ?
Avec :
-
Frédéric GROS, philosophe et professeur de philosophie politique à Science Po Paris et à Paris XII. Il est l'auteur, entre autres, de Michel Foucault et de États de violence : essai sur la fin de la guerre.
Nous l'avons invité pour son passionnant et tout récent Le Principe de Sécurité (éditions Gallimard).
« Sécurité publique », « sécurité alimentaire », « sécurité énergétique », « sécurité des frontières » : la sécurité constitue aujourd'hui dans tous les États un Principe régulateur, c'est-à-dire, confusément et tout à la fois, un sentiment, un programme politique, des forces matérielles, une source de légitimité, un bien marchand, un service public.
Ce Principe est le fruit de quatre acceptions historiques :
la sécurité comme état mental, disposition des grandes sagesses stoïciennes, épicuriennes et sceptiques à atteindre la fermeté d'âme face aux vicissitudes du monde ;
la sécurité comme situation objective, ordre matériel caractérisé par une absence de dangers (c'est l'héritage du millénarisme chrétien) ;
la sécurité comme garantie par l'État des droits fondamentaux de la conservation des biens et des personnes, voire comme bien public (surveillance, équilibre des forces, raison d'État et état d'exception) ;
la sécurité comme contrôle des flux à notre époque contemporaine, avec ses concepts nouveaux : la «traçabilité», la «précaution», la «régulation».
Loin d'être des acceptions successives, ces dimensions sont des «foyers de sens», toujours à l'œuvre conjointe :
la tranquillité du Sage ne dépend plus de techniques spirituelles mais d'un bon gouvernement et d'un État fort ;
les ressorts millénaristes ont été recyclés par les révolutions totalitaires du XX e siècle ;
la tension s'est installée entre la sécurité policière et la sécurité juridique, entre la sécurité militaire et la sécurité policière qui prétend, à son tour, combattre «l'ennemi intérieur» ;
la biosécurité et ses logiques de sollicitations permanentes – être toujours et partout accessible, réactif – sont à l'opposé de l'idéal antique de la stabilité intérieure ;
tandis que la sécurité du marché impose un démantèlement de l'État-providence, des politiques de santé publique et des logiques de solidarité : la sécurité-régulation se substitue à la sécurité-protection.
Pour finir, le Principe Sécurité se définit toujours par une retenue au bord du désastre.
Cet Atelier était le prolongement philosophique des Ateliers :
Et si l'obsession sécuritaire changeait insidieusement nos rapports à la ville ?
Et si les pandémies nous obligeaient à penser notre futur urbain autrement ?
Et si nous entrions dans une nouvelle époque d'émeutes urbaines ?
Et si on s'intéressait à la façon dont les militaires pensent la ville ?