ET SI NOTRE AVENIR URBAIN S'INVENTAIT EN AFRIQUE ?
Et si nous étions tellement obnubilés par l'Asie, que nous arrivions à en oublier les formidables mutations africaines actuelles ?
Et si demain la dynamique économique de l'Afrique dépassait celle de l'Inde ?
Et si demain le vrai poumon du monde était l'Afrique sub-saharienne et non pas la Chine ?
Et si c'était en Afrique que s'inventaient les nouvelles formes de l'urbanisme pauvre et inégalitaire du XXIe siècle ?
Bref, et si c'était en Afrique que se dessinait une grande partie de notre avenir urbain ?
D'ici 2050, la population de l'Afrique sub-saharienne va doubler pour passer de 800 millions d'habitants à 1,8 milliard d'individus, soit un cinquième de la population mondiale.
A cette date, l'Afrique sera donc plus peuplée que la Chine et comptera 25% d'habitants de plus que l'ensemble du sous-continent indien.
Dès 2030, cette population sub-saharienne va devenir majoritairement urbaine.
En 2050 ce sont plus de 60% des Africains qui vivront en ville.
L'Afrique noire qui compte déjà 38 villes de plus d'un million d'habitants, s'oriente donc vers la constitution de vastes mégalopoles multi-millionaires à croissance ultra-rapide et souvent très anarchique.
Aujourd'hui Luanda gagne 29 nouveaux habitants par heure, Lagos 42 et Kinshasa 50 !! (voir là)
Et le phénomène ne devrait que se renforcer dans les années qui viennent.
C'est donc à un défi urbain totalement inédit dans l'histoire de l'humanité que vont devoir répondre les Africains. Seuls 40% des logements, des bureaux et des infrastructures dont les grandes villes africaines vont avoir besoin en 2050 sont aujourd'hui construits !!!
Ces villes vont donc être dans l'obligation d'inventer de nouvelles réponses très éloignées des modèles que nous connaissons aujourd'hui en Occident ou en Asie.
C'est à ce titre, entre autres, qu'on peut se demander si ce n'est pas en Afrique que s'invente le visage des mégapoles inégalitaires, violentes et ultra-congestionnées du XXIe siècle ? (voir sur cette dernière question là et là).
Mais cette explosion et urbaine est aussi le reflet de la formidable croissance économique que connaît le continent actuellement et qui va, d'une façon ou d'une autre, se poursuivre.
Car, comme l'écrivent Jean-Michel Severino et Olivier Ray, les deux auteurs du Temps de l'Afrique : « ces nouveaux africains devront se nourrir, se loger, se déplacer, communiquer. Formelle ou informelle, locale, nationale ou internationale, une activité économique émergera pour répondre à ces besoins ».
Les Chinois, les Indiens ou les Brésiliens l'ont très bien intégré et développent de nouvelles relations économiques avec ces pays du sud saharien, contribuant ainsi à faire émerger de nouvelles relations sud-sud et de nouvelles réponses servicielles et industrielles.
Sur le plan des transports, voir, par exemple, les implantations des constructeurs automobiles indiens et chinois, ou le succès des rickshaws indiens en Afrique de l'Est (voir là).
Malgré cela, nous - les Européens - avons, semble-t-il, beaucoup de mal à comprendre ce qui se passe à notre frontière sud.
Nous continuons à regarder l'Afrique avec des grilles de lectures dépassées, alors que c'est probablement là-bas que vont s'inventer - en partie - les futures solutions pour un monde toujours plus urbain et plus mobile.
C'est pour essayer de mieux comprendre toutes ces mutations en cours, et voir comment celles-ci peuvent nous aider à penser un peu autrement le monde et les villes de demain, que nous avions invité :
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Jean-Michel SEVERINO, ancien directeur général de l'Agence française de développement (AFD) et auteur du récent et très stimulant Le Temps de l'Afrique.
En introduction, François BELLANGER a présenté AFRICA - Et si c'était en Afrique que s'inventait notre avenir urbain ?, accessible dans la partie documentation.
Pour aller plus loin, vous pouvez cliquer sur Africa.